Pourquoi l'immobilier doit baisser.

immo1En me rendant tous les jours au métro Nation, j'ai le bonheur de passer devant des agences immobilières.  Curieux de nature, je jette toujours un regard sur les prix des locations ou des biens proposés à la vente. Or, alors que depuis quelques années, je m'étais habitué à observer des hauses et un "turn-over" très rapide des annonces en vitrine, depuis la rentrée, les annonces de vente restent bien longtemps sur les devantures. Et, surprise, le nombre d'annonces consacrées à la location commence à augmenter.

En fouinant un peu, et en me documentant à ce sujet, je suis passé en quelques jours de l'état de locataire jaloux devant les achats de certains de mes amis, pensant à l'acquisition comme un horizon indispensable le plus tôt possible à celui de locataire heureux !

Plusieurs chiffres glanés sur Internet confirment le renversement progressif. Baisse du nombre des transactions à Paris, baisse (légère) des loyers au troisième trimestre 2005, niveau d'endettement des ménages record. Même la Banque de France a émis des réserves sur les risques d'un tel endettement.

Il semble bien qu'une partie des vendeurs actuels, en particulier des investisseurs institutionelss soient dans une stratégie de vente à la hâte pour réaliser une plus-value avant une chute des prix qu'ils savent inévitable au vue  du niveau déraisonnable du marché actuel.  Le phénomène de ventes à la découpe est très lié à cette volonté de vouloir précipiter les prises de bénéfices avant une correction du marché. Il sera toujours temps de racheter moins cher plus tard…

Seulement, dans ce marché, les intermédiaires (les agents immobiliers), sont juges et partie ! En poussant à l'achat avec des formules du type "l'immobilier, ça monte toujours", "la demande est très supérieure à l'offre", les professionnels du marché ont alimenté des raisonnement spéculatifs à la hausse déraisonnables de la part des vendeurs. Et aujourd'hui, les acheteurs achètent, pensant aux plus value qu'ils feront nécessairement dans un marché qui aurait vocation à être toujours à la hausse, et aux taux d'intérêts qui sont si bas…Pris par des raisonnements irrationnels, ils risquent d'être demain les dindons de la farce.

Argh ! Que n'ai je pas dit ! Je vois déjà les réactions de ceux qui viennent d'acheter (quelques uns de mes amis au passage), qui vont dire que "louer c'est jeter de l'argent par les fenêtres", et reservir les arguments qui les ont décidés, appuyés par des agents immobiliers forcément désintéressés…

L'immobilier étant un sujet remuant énormément l'inconscient et les représentations plus ou moins justifiés, pour avoir un débat serein, il faut d'abord de battre en brêche les idées reçues :

– L'immobilier toujours à la hausse ? C'est faux ! Les générations qui s'endettent actuellement ont oublié le krach immobilier de 1991 qui a fait baisser les prix de 40% à Paris.

– Les taux d'intérêts sont bas, c'est une chance d'acheter maintenant. C'est faux ! Les taux ont déjà commencés à remonter. De plus l'appréciation de la bonne affaire ne se juge pas que sur le prix de l'argent, mais sur la potentialité d'une plus value. Or, si le loyer de l'argent est plutôt bon marché, la valeur du bien acheté risque de diminuer dans les années à venir. En achetant un bien qui vaut 200 000 € aujourd'hui à 4%, en s'endettant sur 15 ou 20 ans, on prend le risque de voir les prix chuter, et de voir la valeur de leur bien fortement baisser alors que leur bien ne sera pas remboursé. En cas de changement dans la vie (divorce, enfant, besoin d'agrandissement..), le prix de la revente sera inférieur à celui de l'achat et les personnes toujours endettées, et donc moins à même de faire face à leurs nouveaux besoins.

– La pénurie de logement est durable. C'est faux ! Si le nombre de logements sociaux est (certes) insuffisant, c'est aussi en grande partie parce que le parc locatif privé est cher. Or, les différents programmes d'incitation fiscale à la construction vont aboutir à l'arrivée sur le marché de nombreux biens destinés au marché locatif. Le nombre de mise en chantier bat d'ailleurs des records en ce moment.  Si les familles monoparentales sont plus nombreuses et font grimper la demande, des raisons d'espérer liées aux effets démographiques existent. Les départs en retraite des baby-boomers vont bientôt générer des départs des centre villes vers des lieux au cadre de vie plus agréable. Le nombre de jeunes à la recherche d'un premier logement va commencer à diminuer. Il est cependant vrai que des questions foncières vont atténuer fortement ce mouvement, en particulier en Ile de France.

– Louer c'est jeter l'argent par les fenêtres. Pas toujours vrai ! Vu les niveaux de prix actuels, les mensualités d'un prêt sont supérieures à celles d'un loyer, et pire, elles sont durables. Tandis que, en cas de renversement probable, le locataire pourra plus facilement voir son budget immobilier diminuer et épargner la différence entre le prix d'un loyer et celui d'une acquisition pour financer un éventuel achat ultérieur, quand le prix aura baissé.

Ouvrons les yeux. Les effets psychologiques sont très forts et la conviction que la hausse est durable, inculquée par ceux qui ont intérêt à vendre ou à faire vendre a endormi les consciences, et précipite de nombreux ménages à acheter, persuadés que "demain, ça sera plus cher". Exceptés les banquiers et les agences, plus aucun observateur du marché ne recommande l'achat. Plus aucun investisseur institutionnel ne le pratique. En revanche, toutes les mesures destinées à financer les dernières ventes à prix fort sont bonnes. Voici que s'annonce le crédit hypothéquaire à la consommation soutenu par Breton !

Le mécanisme est d'ailleurs voisin de celui qui avait poussé de nombreux Français à l'achat d'actions a la fin des années 90, en pleine folie des valeurs technologiques. Combien y avaient perdu des plûmes, alors que le discours ultra dominant faisait d'obscures start-up les géants du futurs, forcément rentables ! D'ailleurs, de la même manière, les premiers signes de reculs des prix apparaissent un peu partout en même temps, Europe et aux USA. La seule différence qui existe sur le marché de l'immobilier par rapport aux marchés actions, ne réside pas dans la rationnalité des acteurs ;-), mais dans un effet de retournement plus long. En effet, les temps de négociation et de ventes sont plus important concernant l'immobilier : il
existe une période où le prix continue à augmenter alors que les transactions reculent. Nous y sommes.

Et, quand les spéculateurs de cette bulle sont organisés (presse immobilière, financière, agences) pour alimenter les conditions psychologiques de la hausse, les ménages sont isolés et peu informés. Déjà, les biens immobiliers trouvent moins facilement preneurs. Si les citoyens diffusent les informations soigneusement cachées par ceux qui ont des intérêts dans la hausse, si les ménages pesent plus le pour et le contre demain avant d'acheter, les prix vont nécessairement baisser. Peut être pas sous la forme d'un krach, peut être de manière limitée. Mais quoi qu'il en soit, la situation n'est plus décement tenable.

N'oublions pas une chose : c'est qu'un marché ne peut fonctionner convenablement que s'il est régulé et que si les conditions de la confiance sont réunies. Or, qui pense aujourd'hui sérieusement qu'un F2 de 45 m² à Paris représente une valeur pour son acquéreur de plus de 200 000 € ? Ces prix sont hors de mesure, et il ya longtemps que l'Etat, curieusement absent aurait du prendre les mesures nécessaires pour encadrer des phénomènes qui meneront de nombreux ménages dans les commissions de surendettement dans 15 ans.

Deux grands absents du débat, ce sont les thèmes de la protection du consommateur et du droit fondamental du citoyen à un logement. Sujet has-been sans doute ?

Là encore, les puissants prennent leurs bénéfices quand les plus faibles trinqueront demain.  Là encore, les puissants sont protégés par l'argent, par leurs chiens de garde et par le gouvernement. Là encore, les plus fragiles ont besoin de s'organiser pour être protégés, de la solidarité nationale pour que le droit fondamental à un logement soit une réalité et de forces politique pour être défendus.

Là encore, tout est politique.

PS Vous trouverez des dizaines de blogs, de dossiers et de liens sur la blogosphère sur ce sujet. Je tiens en particulier à vous signaler l'excellent dossier "Bulle immobilière" et les blogs Immoboum et J'aime le krach.