RER C, justice des hommes et destinée.

Le RER est un allié précieux du
mouvement social et, plus généralement, des citoyens qui aiment lire et
réfléchir sur la société. Au milieu d'un emploi du temps souvent trop
prenant, les demi-heures de transport en commun qui se présentent sont
l'occasion d'ouvrir des livres et de prendre un peu de recul.

C'est
à ces quelques instants que je consacre aujourd'hui mon billet. Je me
suis en effet plongé dans la relecture d'un livre que j'avais un peu
oublié, le "Pull over rouge" de Gilles Perrault, qui retrace l'affaire
Ranucci.

Ce bouquin nous replonge dans l'atmosphère des années
70 où "la France a peur" après des faits divers sordides et des
meurtres d'enfant. Il démontre les failles d'un système policier, pénal
et médiatique capable de construire une instruction entièrement à
charge, de mépriser la présomption d'innocence et de faire exécuter un
homme dans un climat de haine terrifiant, sans que l'on soit
complêtement convaincu de sa culpabilité, bien au contraire.

D'enquêtes
baclées en climat insuportable aux assises, de unes de quotidiens
vengeresses aux preuves négligées, on voit à quelle point la justice
des hommes repose sur de fragiles hasards, quand bien même le
comportement de chaque acteur de cette comédie humaine serait
exemplaire. Une raison de plus de mépriser cette mise à mort, cette
peine irréversible, inacceptable, qui vient décapiter Ranucci, comme
dans les tragédies grecques où quoi qu'il tente, le héros est ramené à
son destin. Ranucci, la vingtaine à peine passée a été coupé en deux,
guillotiné. Assasiné par la justice.

Bien sûr, la peine de
mort à été abolie. La question pénale reste pourtant un enjeu majeur :
à chaque fois que la gauche l'a affronté sans s'armer idéologiquement,
elle s'est y égarée. Le seul considérant qui doit guider son action,
c'est là justice. Toute idéologie reposant sur un système réprimant
sans preuve absolue, punissant sans s'intéresser à l'avenir du citoyen
coupable de crime ou de délit, préférant l'exemplarité à l'opportunité
ne fera qu'entretenir une société de violence et apporter de l'eau à
son moulin.

C'est parce que je crois à l'idée d'un droit à
l'avenir, parce que je crois à l'émancipation humaine que j'execre tout
ce qui peut priver de vie, détruire la liberté. C'est pour celà que je
pense que la "destinée" est une notion qui n'a pas sa place en
politique : le rôle du politique est de construire une société juste
qui libère l'individu des destins de classes ou des reproductions
sociales et familiales.

"Bibliothèque François Mitterrand". Je ne peux m'empêcher de penser, en marchant sur le quai, à l'honneur qui  doit exister à jamais sur celles et ceux qui ont réaliser cette grande oeuvre humaine qu'est l'abolition de l'assasinat légal.