Les quartiers brûlent…

Depuis 10 nuits, les violences touchent de nombreux quartiers de France. Véhicules brûlés, commerces ou institutions incendiées, les images s'enchaînent sur les écrans de télévision. Au delà du nécessaire examen des différents faits qui ont pu générer ce déchaînement de violences plusieurs éléments d'analyse s'imposent.

1 Cette explosion couvait depuis un moment. Déjà au début des années 90 les vagues de violences à Mantes la Jolie, dans la banlieue lyonnaise ou à Sarcelles avaient donné lieu à des affrontements entres certains jeunes des quartiers et policiers. Depuis la situation d'exclusion de territoires de la République ou le chômage, la précarité touchent toujours les mêmes populations ne s'est pas améliorée bien au contraire. Les différents plans entrepris, la politique de la ville, certaines déconstructions/démolitions n'auront eu que des effets marginaux. La déroute de services publics victimes des politiques de la droite aura ici fait plus de mal qu'ailleurs : police de proximité démantelée, budgets sociaux sacrifiés, éducation affaiblie. Les causes sociales de ces violences ne font aucun doute.

2 Les auteurs de ces violences se tirent une balle dans le pied. En effet, les voitures, les écoles, les commerces et les bus brûlés sont ceux qu'ils utilisent ou qu'utilisent leurs parents, leurs frêres et soeurs pour essayer de s'émanciper d'un quotidient difficile et oppressant. Pris dans des phénomènes médiatiques qu'ils croient dominer et qui les dominent, ils oublient l'espace de quelques nuits qu'il n'y aura pas d'autres victimes de ces affrontements que les quartiers où ils vivent eux mêmes. De plus, ces violences ouvrent un espace politique important aux faiseurs de slogans sécuritaires. Les conditions sont réunies pour des surenchères démagogiques sécuritaires rappellant avril 2002. Si  Nicolas Sarkozy est dépassé, d'autres prendront le relais et surenchérirons bientôt sur la répression.

3 Il n'y a pas de solution simple et de court terme pour résoudre la question des banlieues. Les slogans sont ici inopérant. Qu'il s'agisse de qualifier les auteurs de "voyous"  et de réprimer férocement, ou d'invoquer la formule de Tony Blair, "dur avec le crime, dur avec les causes du crimes", aucune de ces positions ne résout la crise en profondeur. Bien sûr il faut éteindre l'incendie en menant les investigations nécessaires et en sanctionnant les éventuels auteurs de bavures policières, bien sûr, il faut faire respecter la loi, mais cela n'est que traitement des symptomes. Les solutions sont de plus long terme, touchent l'emploi, les salaires, l'éducation, la ville, la surêté.

3 La gauche doit proposer un débouché politique. Elle doit montrer que seul un effort de toute la nation peut porter parce que c'est toute la nation qui est en jeu. Ce sont les classes pour qui la gauche devraient se battre qui sont concernées ici : celles  et ceux qui vivent ou essayent de vivre de leur travail, qui prennent des RER tôt le matin pour aller gagner de quoi élever dûrement leurs enfants. Celles et ceux qui se désespèrent de ne pas trouver de travail. Celles et ceux qui, plongés dans cette désespérance, ont renoncé et se réfugient dans la violences.  Celles et ceux qui vivent à proximité de ces quartiers qui flambent et qui craignent pour le peu qu'ils ont pu gagner dans leur vie. 

Pour eux, la gauche doit porter un projet. Des mesures immédiates et significatives doivent être prises  pour soutenir l'emploi et le pouvoir d'achat. L'investissement éducatif doit être massif. Un plan d'ampleur de lutte contre les discriminations doit être lancé. La police ne doit plus être vue comme une armée d'intervention extérieure : sa présence de proximité quotidienne est nécessaire.

En politique le vocabulaire compte. Il faut prendre garde au maniement de termes impropres (jeunes issus de l'immigration, jeunes des banlieues..). Il faut écarter et dénoncer la tentation communautariste de considérer les leaders religieux comme des interlocuteurs à même de garantir la paix sociale.  Il faut également s'insurger contre toutes les stigmatisations et les théories du complot islamiste fantaisistes qui fleurissent sur les fantasmes complaisemment véhiculés et qui font le lit du FN. Enfin, la gauche ne doit pas avoir peur d'aller échanger et porter ses positions dans des espaces où sa présence s'est doucement effacée au fil des années.

Notre rôle est plus que jamais de porter l'espoir d'une vie meilleure.