La quatrième voie ?


L’expérience du Parti Démocrate et de la Gauche Arc-en-ciel italienne débouche sur le fiasco qu’on pouvait redouter. Pour la troisième fois, Berlusconi sera président du conseil, « Premier » (prononcer « prèmièr) comme on dit de l’autre côté des Alpes. Le PD fait un score très proche de celui de l’Ulivo, en 2006, en absorbant toute une partie de l’électorat de la gauche mais le total des voix de gauche+centre gauche+centre allié à la gauche chute de plus de 7 points.

Voilà une réponse à tous les apprentis sorciers qui veulent faire éclater le PS pour le raccrocher à deux pôles, de gauche plus radicale et socialo-démocratico-modémo-tiédasse. L’électorat de gauche y perd ses petits, l’évolution politique du pôle démocrate ne fait que légitimer les postulats de la droite, la gauche de la gauche est marginalisée par ses postures et par la nécessité d’un vote utile, l’abstention progresse.

Si la spécificité de ses élections réside dans des considérations relatives au mode de scrutin et à une bipolarisation très forte engendrée par les schémas d’alliance resserrés choisis,  on peut tout de même en tirer trois leçons  applicables en Italie comme en France.

Il faut un pôle fort au centre de la gauche pour gagner. C’est la première leçon. Le choix de construire un parti sur une base électorale plus large que les 19 % des démocrates de gauche en 2006 était légitime, mais le placer aussi au centre sur l’échiquier a été une erreur politique.

La deuxième est que opposer à la stratégie démocrate une réponse « plus à gauche que moi tu meurs » ne mène pas à grand chose. Le score de la gauche Arc-en-Ciel est un désastre. Au final, il n’y a plus un seul socialiste ou communiste -se revendiquant comme tel- au Parlement italien. Les changements économique, sociaux et technologiques du monde nécessitent de vraies réponses et pas des postures.

La troisième est que la crise du politique est loin d’être derrière nous. Le score de la Lega Nord (plus de 25% dans certaines régions), l’abstention, nous rappellent que le populisme, le repli sur soi guettent toujours en Europe. La Belgique nous le montre régulièrement. Le poids des médias, l’incapacité de la gauche à trancher les conflits d’intérêts entre les pouvoirs de l’argent, des médias et d’une droite ne servant plus des valeurs mais des intérêts participent de cette crise. Et la participation à la dernière présidentielle ne doit pas être idéalisée: la mobilisation des anti-sarko contre les anti-ségo a joué à plein, plus qu’un désir profond de soutenir un des deux candidats.

Le monde change. La crise du système financier et boursier, la crise de l’énergie, le changement climatique, le renversement de la pyramide des âges et la révolution technologique le montrent. Le compromis social historique de 1945 reste une référence pertinente quand à ses valeurs mais il ne fonctionne plus de manière optimale aujourd’hui. Arrêtons de subir face à la droite, qui s’attaque à ce compromis pour  démanteler tout système solidaire, en défendant des outils qui ne marchent plus.

Nous devons réviser ces politiques à l’aune des changements et des attentes des citoyens : une meilleure prise en compte de la précarité, des revenus, de l’individu et des changements de situation au long d’une vie. Et travailler à proposer des outils modernes et efficaces face à ces défis. Audacieux, nouveaux. Capables d’opérer directement sur la répartition de la valeur ajoutée. Les faire connaître et donner des clefs de lecture sur ces évolutions aux citoyens en particulier des catégories populaires. La gauche doit aussi se saisir des nouveaux outils technologiques, inventer de nouveaux espaces et de nouvelles formes de militantismes.

Veltroni s’est trompé en recherchant la modernité plus au centre. La modernité est pourtant bien une clef pour la gauche. Elle ne réside  pas dans des postures ou des stratégies d’alliances. Mais dans la capacité à regarder devant, à remettre l’ouvrage déjà réalisé en question, tout en étant fidèle à ce que nous sommes.

Photo Ilmartino sur Flickr




3 pensées sur «La quatrième voie ?»

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