Mais soit sans twitt.

Je vous préviens tout de suite que le vaste exercice d’auto-promotion de la génération 68 par elle-même me gave avant d’avoir commencé. En passant à côté de la Sorbonne avec Antoine Détourné tout à l’heure, j’ai pu en mesurer tout l’ironie. De bien belles photos, de révolutionnaires en noir et blanc, déterrant les pavés, brandissant les drapeaux. Sponsorisées. SFR et quelques autres. Je n’ai pas eu la mémoire ni l’envie de retenir cela. Ni même d’expliquer ou d’affiner toute la dérision que l’on peut trouver dans ce triste étalage. On va voir le pire et le plus désagréable pendant un mois.  Toute cette pseudo gauche médiacrate embourgeoisée qui s’est accaparée tous les leviers pendant quarante ans, pour échouer lamentablement dans bien des domaines, s’aperçoit que ses tempes grisonnent. Elle va feuilleter son album de souvenirs jaunis, se rappeler du bon vieux temps en faisant comme si ses souvenirs de révolte du Quartier latin étaient ceux de la Nation tout entière. Relira-t-elle La Société du spectacle ?

Cette génération politico-médiatique est tellement décrédibilisée aux yeux du pays que la droite ne va peut être pas même recherche un combat frontal par un énième procès de Mai 68 mais tenter une pathétique récupération du thème du mouvement. Oh, bien sur ce serait tout aussi risible que l’auto-congratulation. Mais Kouchner montre que des trajectoires improbables sont possibles. Après tout, la droite sarkozyste est héritière du pire de l’héritage que 68 a engendré dans la société française. Libérale et jouisseuse, spectaculaire et médiatique, sans complexe et arrogante, cette droite sent bien qu’elle détient de faux papiers lorsqu’elle exhibe encore des dehors gaullistes.

Point de dénit dans mon propos contre ce que l’on verra finalement peu de mai 68 en mai 2008. Le mouvement social d’ampleur, les mobilisations ouvrières et les conquêtes sociales. La fin d’une société autoritariste et la poursuite de la séparation des églises et de l’Etat dans les faits et dans les esprits par une évolutions des moeurs et des normes sociales remettant en cause la société patriarcale et judéo-chrétienne. Bien d’autres choses. Les conquêtes salariales. Les évolutions politiques. Tout ces éléments qui ne sont pas des shows isolés mais qui, mis ensemble par la marche des hommes font l’histoire des nations. Et pas seulement une suite de unes du Nouvel Obs. A-t-on vu il y a deux ans des titre à n’en plus finir sur les 70 ans de juin 36 ? Les éditorialistes à la cinquantaine bien tassés se sont ils intéressés il y a quelques semaines à ce qu’avait porté dans la société française le mouvement contre le CPE, qui, à bien des égards, fût un des plus importants de ces deux dernières dizaines d’années ?

François Mitterrand avait peut être tort de voir dans les manifestants du quartier latin des grappes de « futurs notaires », là où s’agitaient des éditorialistes, de futurs ministres, PD-G, tenants d’autre formes d’ordre établi. L’ironie qu’il perçevait de la situation en était toutefois juste.

Je viens d’ailleurs de voir l’excellente soirée consacrée à Mitterrand et Vichy. Elle rappelle le passé compliqué de notre vieille Nation. Les moments de l’histoire où il faut savoir franchir des gués parfois contre soi-même, son éducation, ses réflexes, l’opinion d’un moment ou d’un lieu. La force et la faiblesse des hommes révélés par les épreuves et les fortunes du temps. Elle m’a fait penser à mon grand-père, Alexis Ben Rebby, résistant à qui je veut rendre hommage ce soir. A ce que notre drapeau porte , à notre identité nationale, faite de grandeurs et de misères, mais surtout à la gloire de ceux qui firent les bons choix, bien plus qu’aux infâmes gesticulations d’Hortefeux.

Et je twitte. Alors voilà Laurent, pour ce que nous oublions, pour la futilité de ce que nous entendons, voilà pourquoi je trouve que les temps actuels sont bien médiocres.




14 pensées sur «Mais soit sans twitt.»

  1. Interessant, le jeu de mots du titre est très drôle.
    Le + beau morceau c’est sans doute ça :

    « Après tout, la droite sarkozyste est héritière du pire de l’héritage que 68 a engendré dans la société française. Libérale et jouisseuse, spectaculaire et médiatique, sans complexe et arrogante, cette droite sent bien qu’elle détient de faux papiers lorsqu’elle exhibe encore des dehors gaullistes. »

    Ca rappelle que notre président hédoniste, jouisseur est celui qui veut mettre 68 à la fosse. Alors qu’il en est le digne héritier.

  2. Quelque part, l’initiative de ces jeunes UMP fonctionne, puisque vous ne pouvez pas vous empêcher d’en parler.

    Dites en du bien, dites en du mal, mais parlez-en…

  3. C’est vrai qu’ils ont eu l’intelligence d’occuper cet espace. Mais Sarkozy nous montre bien que l’occupation systématique de l’espace médiatique n’est pas gage de succès.

  4. Authueil, tu sais très bien que c’est d’une stupidité sans nom. La preuve, ils en ont confié l’organisation aux djeuns, pour que ça se voie pas trop. Hop, on balance tout ça sur Internet pour restreindre encore le champ des initiés.

    Ce n’est pas une commémoration de mai 68, c’est de l’esbrouffe. Une OPA communicationnelle sur un événement historique. Mais tous ceux qui ont voulu récupérer mai 68 se sont ramassés.

    L’UMP a eu tort de vouloir faire d’un message intéressant un message politique. Non, la jeunesse qui bouge elle n’est pas de droite. C’est une connerie. La jeunesse qui bouge, elle est partout : à gauche, au centre, à droite. Si ces jeunes apprenaient à laisser de côté leurs étiquettes et à porter ensemble le message de la jeunesse, ils apparaîtraient moins idiots, et leur message aussi.

    L’objectif, c’est quoi ? Porter une idée ou racler la gamelle pour le parti ?

  5. @ Nick

    Est ce que le message « de la jeunesse » existe vraiment ? S’il existe un vrai fait générationnel sur le thème de la « génération qui va vivre moins bien que ses parents », qu’y a t il de commun entre le message des happy fews de l’ump grandes écoles et des jeunes de milieux défavorisés, habitant en banlieue, dans la ruralité ou en zone périurbaine ?

  6. Aucun, parce qu’ils regardent le nombril de leur étiquette. Et ce faisant, ils deviennent les bébés-requins porte-drapeaux de leurs partis encroûtés.

    Je crois que ce qui transcende les clivages politiques, c’est aussi cette volonté que nous avons tous, nous les jeunes, de vouloir avoir une vraie voix, pas seulement dans la rue. Qu’on fasse confiance au jeune, que ce soit dans l’entreprise ou dans les partis. Sur un plan économique, il faut reconnaître qu’il peut exister un clivage, car les élites tendent toujours à s’autoreproduire en leur sein, et donc une partie de la jeunesse, celle qui est surdiplômée, qui fréquente les bonnes écoles, et vient des bons milieux, s’engouffre là-dedans.

    Mais entre un MJS, un JUMP et un JDEM, quelle différence ? On est autant pris pour des petits bisounours colleurs d’affiches qu’on dépose au bac à sable avec des pelles en plastique pour pas se faire mal.

    Mais, naturellement, il y a un espèce d’atavisme chez la plupart des militants qui pousse à rechercher la différence et l’opposition plutôt que les convergences. En plein mois de février, un soir de Saint-Valentin, pas zéro degrés, devant la bouche de métro Bastille, à tracter pour les municipales, à se geler le cul, on est encore différents ? (expérience vécue)

  7. Pingback : Irène Delse » En mai, fait ce qu’il te plaît

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  9. Excellent ce billet. Je rajoute que moi les soixante-huitards je les emmerde (Ah ça fait du bien ! ). Aprés tout ce sont eux qui ont massivement voté Sarkozy,ce sont eux qui ont fait de Mai 68 quelque chose de politiquement correct, ce sont eux qui ont forgé la société actuelle : pleine d’ostentation, de ce culte du fric, de la performance individuelle, ce diktat de l’épanouissement,la jouissance sans entraves, cette sorte de lyrisme de la rebellion institutionalisée…
    Ce sont eux qui ont la peur aux ventres face aux immigrés, aux jeunes (le boitier anti-jeunes c’est eux), qui trouvent qu’ils payent toujours trop d’impôts, « que les cheminots, les fonctionnaires sont des nantis », « que les chômeurs sont des fainéants » (forcément le chomage c’était un mot que personne ne connaissait à leur époque. Jean-pierre pernaud, Michel Drucker c’est eux, les classements des 100 plus grands tubes disco c’est eux, les rediffusions de sheila et Johnny c’est encore eux. La pub pour les galeries lafayette de Beigbedder qui innonde le métro parisien c’est eux.
    Bref les soixantes-huitards c’est une génération de cons. Et comme la démographie n’est pas beau fixe pour leur enfants, on va devoir supporter cette droitisation de la société française pour un moment et ce narcissisme encore pour un moment.

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