A quoi sert le ménage ?

Ce n’est pas une question d’hygiène domestique dont il s’agit. Mais une interrogation liée à la fiscalité et à la protection sociale. Alors que Sarkozy annonce la mise en place d’une franchise dont j’ai déjà évoqué les dangers et l’hypocrisie, une tribune du docteur Elie Arié dans le Monde conteste la mesure et soulève une question qui mérite examen :

« Quant à l’idée de Martin Hirsch, que j’ai connu mieux inspiré dans le passé, de moduler le montant des franchises en fonction du revenu, elle constitue à la fois une usine à gaz qui obligera à communiquer aux caisses chaque année les revenus du ménage (dont les membres peuvent appartenir à des régimes différents), un archaïsme au moment où la notion de ménage est en pleine révolution dans notre société et un bouleversement de la Sécurité sociale, qui ne connaît pas des « ménages », mais uniquement des assurés et des ayants droit. »

Au delà de la véracité technique de cet argument, la question du rôle du « ménage » dans notre fiscalité et notre protection sociale est en effet une question à poser. Accès à l’autonomie, couple, séparation, familles recomposées, liens entre seniors et actifs, la notion de ménage est malmenée par la réalité des évolutions des familles et des individus. Ses applications fiscales et sociales, conjuguées au « n-1 » servant de bases aux calculs de droits sont souvent un véritable poids pour l’émancipation des individus. Qui n’a jamais connu un changement de situation familiale se transformant en réduction d’aide sociale au moment où l’on en a le plus besoin ? Ce genre de péripéties se traduit parfois par de fortes tensions familiales, au moment ou le désir d’émancipation des uns se heurte aux préoccupations financière des autres.

Un autre exemple est la fameuse demi part fiscale déductible des revenus des parents continuant à déclarer les revenus de leur enfant étudiant. Elle entretient artificiellement une minorité sociale entre adultes majeurs. Elle est contraire à la réalité de nombreuses situation d’autonomie de fait. Elle permet surtout de déresponsabiliser l’Etat devant la situation désastreuse de l’aide sociale étudiante.

Mais allons un peu plus loin. Face à toutes ces difficultés, la notion de ménage sert-elle à quelque chose ? On répondra qu’elle permet de prendre en compte dans l’imposition les solidarités privés, l’éducation des enfants, les solidarités au sein d’un couple. C’est vrai, mais d’autres mécanismes sont possibles. Dans un système où chaque personne constituerait un foyer, il suffirait de déclarer les sommes versées ou déboursées et au profit de qui pour que celles ci soient déduites du montant imposable des uns et crédités à celui des autres. C’est déjà comme cela que l’on procède pour les pensions alimentaires.

Assortie à un impôt sur le revenu progressif renforcé et élargi, ce système pourrait permettre une plus grande autonomisation des individus et contribuer à apaiser de nombreuses situations dans les familles. C’est en tout cas la réflexion qui est la mienne à ce stade. Cette logique me poussera d’autant plus à combattre la franchise santé car elle heurte un autre principe auquel je suis attaché : la confidentialité des données de santé, même au sein d’un même ménage. Je ne veux pas que demain, des jeunes filles soient contraintes de justifier leurs dépenses de santé auprès de leurs parents parce qu’elles « tapent » dans le plafond de franchise familiale.

Et vous, que pensez vous de la notion de « ménage » ? Avez vous connu des situation où elle vous a fragilisé ?

Photo, comonstacks sur FlickR