Elections italiennes


J’ai rarement été aussi mal à l’aise pour voter dans une élection. Et pourtant, ce n’est pas la première fois que ma double nationalité affronte l’épreuve électorale transalpine. Car, depuis le dernier point que je vous avait fait sur la situation politique italienne, bien des choses ont changé. Je ne vous refait pas tous les positionnements et explications des sigles à chaque fois et je me permet de vous renvoyer à mon billet précédent.

Les élections précédentes étaient structurées par deux grandes coallitions, l’Unione (centre-gauche) et la Casa delle Liberta (centre-droit). Patatras ! Après l’écroulement du gouvernement Prodi suite au retrait de Mastella, ministre de la Justice et de son petit parti centriste, l’UDEUR, les grandes coalitions ont pris du plomb dans l’aile.

La tendance s’était déjà amorcée par la constitution du nouveau Parti Démocrate (centre gauche) issu de la fusion de la Margherita (centre) et des Démocrates de gauche. Walter Veltroni, ex-maire de Rome a été élu secrétaire du parti lors d’une primaire ouverte à l’automne dernier. Et Veltroni a très tôt fait le choix de dénoncer cette logique de coalition, susceptible de faire vaciller tout gouvernement. L’idée de renforcer une force structurante, capable de proposer un vrai leadership n’est pas en soi problématique. Mais l’ouverture au centre du Parti Démocrate, avec des composantes issues du centre chrétien pose de vrais problèmes de positionnement politique. Positionnement socio-économique très proche du blairisme, ce qui n’est pas tout à fait ma tasse de thé, programme peu clivant par rapport à celui du centre-droit et débats internes surréalistes ces derniers temps avec des membres du PD opposés à l’IVG. Et députés européens dans deux groupes différents: PSE et ADLE (libéraux et démocrates). Le PD se présente seul à ses élections et est aujourd’hui encore en retard de quelques points dans les sondages sur la droite. La seule alliance évoquée clairement pour l’instant l’est avec le petit parti centriste de l’ancien juge di Pietro, Italia dei Valori, dont le programme est centré notamment sur le respect de la légalité.

Au centre également, l’UDC de Casini espère reconstruire une force comme l’était la Démocratie Chrétienne. Et rêve d’un score suffisement serré entre PD et PdL pour faire miroiter une grande coalition gauche/centre/droite dont il serait le premier ministre. L’UDC, dont le logo reprend l’écusson de la démocratie chrétienne a été au centre d’une polémique à ce sujet, puisque les nouveaux démocrates chrétiens alliés de Berlusconi au sein du PdL revendiquent le logo historique.

A droite, le rapprochement entre Forza Italia et Alleanza Nazionale s’est incarné dans la liste du Popolo della Liberta. L’alliance de Berlusconi est déjà annoncée avec différents mouvements indépendantistes ou autonomistes comme la Lega Nord. Avec une grosse polémique en ce moment puisque son leader, un futur ministre possible de Berlusconi a a tenu des propos plus que limites, parlant de « prendre les fusils contre Rome » si les bulletins de votes, au centre d’une autre polémique sur leur mise en forme, n’étaient pas modifiés. Berlusconi fait une campagne comme il sait les faire, accusant ses adversaires de fraude électorale avant les élections, affirmant que ses candidates sont plus belles, mettant en danger la survie de la compagnie aérienne Alitalia…

L’extrême droite nationale est assez affaiblie par les régionalistes et subsiste prinicpalement par les listes de la « Destra » de Santanche.

Revenons à gauche où l’on trouve une liste d’extrême gauche, Sinistra Critica, qui ressemble beaucoup au projet de gauche anticapitaliste de la LCR. Les différentes familles du défunt PSI (Parti Socialiste Italien) ont enfin réuni à se retrouver et à se rassembler au sein du Partito Socialista. Mais les années de divisions, de rapprochements avec Berlusconi pour certaines, de perte d’influence ont provoqué un tel recul qu’il n’est pas en situation de pouvoir espérer dépasser une poignée de %. Il l’annonce d’ailleurs en titrant son tract ainsi : »une campagne électorale difficile nous attend, mais nous sommes unis et nous la ferons », et évoque ses difficultés pour approcher le seuil des 4% nécessaires pour obtenir des députés à la chambre. Si le PS a le grand mérite d’être laïc, il n’affiche guère de différences sur le plan économique avec le PD.

C’est pour cela qu’un espace politique se dégage à la gauche du PD. La Sinistra Arcobaleno (La gauche arc-en ciel) regroupe plusieurs partis de gauche : Les deux partis communistes (PCI et Rifondazione), les Verdi (verts), et le parti de Fabio Mussi, la Sinistra democratica, scission de DS ayant refusé la démarche du Parti Démocrate et qui pousse pour une alliance PD/SA, sans grand succès pour l’instant.

J’ai eu pour la première fois la possibilité d’être en Italie pendant la campagne. Et la débauche de moyens des partis est impressionante. Beaucoup de tracts, de spots à la radio, d’encarts dans les journaux.

Un peu partout dans les calle vénitiennes, des tables et des drapeaux. Le PD d’un des quartiers de Venise a même organisé une tombola, avec de nombreux lots à la clefs, pour financer sa campagne.

J’ai été frappé par la qualité des supports de campagnes de la Sinistra Arcobaleno. Et toute la com’ du PD est particulièrement léchée, efficace et moderne, à l’image des messages politiques que veut faire passer Veltroni. Je vous ferai partager quelques découvertes sur d’autres supports de campagne ces prochains jours.

Il est aussi étonnant de voir à quel point la politique occupe l’espace public. Veltroni a silloné le pays en bus, tenant plus de cent « comizi » (meetings, comices) sur les places des villes de chaque province italienne, à des horaires et des jours parfois étonnants (vous avez déjà été à un meeting un lundi matin à 11h ?).

Alors que vais-je faire ? Je suis bien ennuyé. J’ai jusqu’à demain 16H pour que mon enveloppe arrive au consulat d’Italie. Je changerai encore peut être d’avis, mais je suis parti pour ne pas prendre le risque de faire gagner Berlusconi et donc pour voter PD au Sénat où le scrutin s’annonce plus serré et où le seuil de représentation est plus élevé (8%). Mais je vais sans doute marquer ma volonté d’ancrer plus à gauche la majorité en cas de victoire de la gauche et favoriser une recomposition en ce sens en cas de défaite en soutenant la démarche des amis de Mussi, en votant Sinistra Arcobaleno à la chambre. En plus du choix de parti, le scrutin offre la possibilité de choisir deux candidats « préférés » sur la liste, je soutiendrai sans doute les candidats SD au sein de SA à la chambre et les plus identifiés à gauche (issus de DS) au Sénat sur la liste du PD.

Enfin, tant que je ne fais pas comme cette étudiante fêtant son diplôme avec des ses amis, obligée dans la bonne humeur à porter T-shirt et badge de Berlusconi sur le Campo Santa Margherita, fief des étudiants, quartier plutôt à gauche…

Et vous qu’en pensez vous ? Que feriez vous à ma place ?




9 pensées sur «Elections italiennes»

  1. Je voterai PD même si voter pour des gens qui ne sont pas dans le même groupe politique européen et qui se demandent encore s’il faut légaliser l’IVG ou pas est gênant. Mais c’est l’Italie, ils ont un système de pensée et une histoire différents des miens.

  2. Il ne se demandent pas s’il faut légaliser. Ils parlent de revenir sur la légalisation. Pourquoi voterais tu PD ?

  3. Je n’aime pas ce que je vais dire mais il faut voter utile. Et le vote utile c’est le PD. Et d’un certain côté Veltroni n’est pas un imbécile et représente plutot le centre-gauche du PD. Donc c’est un gage pour l’Italie.
    Après, je n’aime pas du tout l’alliance centre gauche centre droit. Je n’aime pas ces alliances dont on n’est pas sûr de leur viabilité à plus ou moins long terme.

  4. Oui mais attention ! L’Italie est un régime parlementaire. Le vote dit « utile » n’a pas autant de sens qu’en France.

  5. Premièrement: 15 ans de gouvernement ‘socialiste’ m’ont rendu allergique à ce mot. Si en plus les ‘socialistes’ se rebaptisent ‘démocrate’, ce qui ne veut strictement rien dire, et s’acoquinent avec des démocrates-libéraux…

    Deuxièmement, si j’ai le choix entre un démocrate-libéral assumé et un socialiste en peau de lapin qui pense la même chose mais dit le contraire, il me semble plus raisonnable d’opter pour le démocrate-libéral assumé. Ainsi j’ai voté Bayrou au premier tour de la présidentielle 2007, ce qui n’aide pas beaucoup dans le cas présent.

    Troisièmement, le vote utile est une manière habile inventé par les socialos-collabos pour circonvenir l’opinion de gauche en la mettant face à un dilemme: soit voter pour un parti de gauche et provoquer la victoire de la méchante droite soit voter pour le PS qui mènera bien sûr des politiques de droite au moins aux plans social et économique ainsi qu’au niveau européen.

    Quatrièmement, le vote utile est une fumisterie mais si la gauche du PD est aussi nullissime que la gauche du PS en France voter pour eux n’aura pas grand effet, n’en aura sans doute jamais.

    Conclusion: le mieux est peut-être de faire ainsi que vous l’exposez dans l’article, voter pour les dégueulasses du PD au Sénat et pour les nullissimes de la gauche arc-en-ciel à la Chambre.

  6. On peut être allergique aux socialistes et éviter les expressions comme « socialos-collabos ».

    Quand à la conclusion elle n’est pas optimiste. Mais c’est vrai aussi que mon vote ne m’a pas enthousiasmé.

  7. On peut les éviter, c’est vrai, même quand on est allergiques. Mais ça me fait trop plaisir, surtout quand je pense à Jospin, Bérégovoy, Cresson, Rocard, Fabius…et aux millions de gens qui, en France, en prennent plein la gueule à cause de leurs politiques ‘responsables’, ‘pragmatiques’, ‘réalistes’.

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