Presse italienne et presse française


Ou de la différence d’épaisseur entre un tract et un dictionnaire.

Je reprends, pour bientôt le finir, le fil de mes récits de voyages de cet été. Donc quelques mots sur la presse. Ah, qu’il est doux de se poser sur une plage avec son quotidien préféré… Je m’en sers en général pour deux choses : pour lire et passer le temps tout d’abord, mais aussi pour intercaler le journal entre mes yeux et le soleil. Cette activité est harassante, puisqu’il faut trouver une position permettant à la fois une lecture confortable, rendant possible le tournage de page et protégeant du soleil, ce qui devient vite fatigant pour les bras. Je me dis d’ailleurs souvent que celui qui mettrait au point un gadget résolvant ce problème pourrait passer sa vie à la plage après la commercialisation de ce machin. Mais là n’est pas le propos.

Prenons deux lecteurs que nous nommerons par convention lecteur A et lecteur B.

Le Lecteur A décide d’acheter un quotidien français comme Le Monde ou Libération.
Le Lecteur B s’offre lui La Repubblica ou l’Unità.

Bien évidemment, partons du présupposé que les deux lecteurs savent lire et maitrisent tous deux la langue du journal qu’ils ont choisi, sinon la démonstration perd tout son intérêt.

Déposons donc nos deux lecteurs une demi heure sur le sable et attendons un peu… Qu’observe-t-on ?

Regardons le lecteur A. Il gratte le sable autour de lui. Il a l’oeil vitreux. Quelques maigres feuillets sont posés à ses côtés. Il s’emmerde ferme, allégé d’un euro trente. Le soleil commence à le brûler, exposé qu’il est à la pire heure de la journée sans journal captivant pour le protéger. Quelques faits divers, un peu d’international, un soupçon de cahier été en une vingtaine de pages lui auront laissé le même sentiment d’information incomplète qu’un JT de BFM TV.

Notre Lecteur B n’en est pas au quart de sa lecture. L’importance majeure de la crise financière de cet été et l’implication très forte de BNP Paribas ne lui a pas échappé, puisque ces éléments étaient au centre d’articles de plusieurs pages, avec graphiques, chiffres et analyses. Il a aussi pu se distraire avec le gigantesque chaos dans la gestion de bagages à l’aéroport de Rome en se satisfaisant d’avoir choisi un autre aéroport. Des cahiers de trente pages sur les sujets les plus variés accompagnent le journal, de même que l’édition locale, souvent du même format. Il a près d’une centaine de page à lire, dense, politiques, sérieuses au niveau économique. Il a économisé trente centimes par rapport au lecteur A. Il se protège plus longtemps des UV ce qui lui garantira un bronzage avec moins de coups de soleil.  S’il est de gauche, il se satisfera de voir que le fondateur de son journal, écrit sous le titre est Antonio Gramsci et pas Serge July, ce qui en jette tout de même davantage.  Et la force exceptionnelle qu’ont acquis dans les bras tous ses concitoyens en portant cette presse à la plage expliquera sans difficulté les victoires de l’équipe nationale de Pallavolo (Volley) qu’il lira dans les dithyrambiques pages sport (ou dans la Gazzetta dello Sport et ses pages roses qui trahit le lecteur sportif).

En bref, l’été, en vacances, quand je lis la presse italienne, je suis triste de savoir que les vacances ont une fin.




1 pensée sur “Presse italienne et presse française

  1. lecteur régulier de Repubblica je trouve que c’est une bonne analyse
    La diversité des sujets la richesse de schemas et explications, et souvent la manière presque « people » de les presenter, favorise en effet un bon « amusement.
    Par ailleurs la protection du soleil plus complète est due à la taille des quotidiens un peu plus grande en moyenne que les quotidiens français.
    Petite remarque: El Pais, tout en haut de la photo, n’a rien d’italien..

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